Epreuve 6 • Transmogrification • Spirited Away [SA]

Dans sa quête pour trouver un remède à la transcendance et puisque les plus grands scientifiques du continent ne semblaient pas faire de progrès, Fenrir s’était débrouillé pour retrouver la trace de transcendés dans le désert des Oubliés. De vrais transcendés, pas simplement des malades. Peut être qu’en les cognant assez fort, il trouverait la solution. Au pire, il en rapporterait un directement au Centre de Recherche Polarien, à la capitale. Avec l’avancée technologique du Mont, il était impossible que les chercheurs n’y trouvent aucune information.

L’ouverture récente du Relais Victoire, à la frontière entre Celestia et les Oubliés, avait clairement facilité son trajet. Si avant, il devait faire un arrêt en plein milieu des dunes, il avait cette fois pu se reposer dans un hôtel et profiter d’une bonne douche avant de repartir le matin. Il fallait être en forme pour affronter ces monstres. Parce que le dernier affrontement qu’il avait eu avec l’un d’entre eux s’était terminé à l’hôpital et il sentait parfois encore une douleur aux côtes. Peut être que c’est parce qu’il s’était attaqué au plus fort de tous les transcendés, du haut de ses 3 mètres. Mais si il acceptait d’affronter plus faible, pouvait il vraiment prétendre être le plus grand combattant de l’histoire d'Althéa ?

Voilà quelques heures qu’il marche dans le désert. Après un arrêt bien mérité au niveau des toutes nouvelles pyramides, construites -entre autre- pour favoriser l’amitié entre le Désert et le Mont, il s’était enfin approché du bâtiment qui avait démarré toute cette histoire. La tour du cadran solaire, toujours aussi grande, trônait en plein milieu de l’erg. C’était par ici que les althéens avaient espéré quitter le continent et c’est aussi par là que les transcendés avaient attaqué pour la première fois. La seule vision de la Terre que les grimpeurs avaient pu découvrir, c’était celle d’un territoire dangereux, presque apocalyptique. Chaque fois que le lutteur apercevait cette tour, il avait la boule au ventre. Cette maudite impression qu’il ne reverrait plus jamais sa famille. Habitué aux fortes chaleurs, le Polarien avait retiré son t-shirt depuis un petit moment déjà. De toute façon, en avait il vraiment besoin ici ? Un bout de tissu n’aurait jamais empêché la morsure de l’un de ces monstres.

Rapidement, l’homme utilise son cristal de transformation animale pour remplacer son nez humain par un groin de sanglier. Il renifle, se penche un peu et distingue l’odeur de l’un de ces créatures. Il sait qu’une n’est pas bien loin, alors il reprend forme humaine et court dans la direction que son instinct lui indique. L’athlète traverse les dunes avec la fougue de celui qui cherche à sauver sa bien-aimée et finit par arriver exactement là ou il le souhaite. Voilà un petit groupe de transcendés, il en distingue trois. C’est la colère qui prend le dessus, cette fois. Il grogne, se penche en avant, puis fonce droit vers l’un d’entre eux. Lors de la course, il emprunte sa forme animale complète et c’est bien un énorme sanglier qui vient percuter l’une de ces horreurs, qui s’envole pour atterrir dans le sable quelques mètres plus loin. Après ça, il va neutraliser le deuxième. Il ne reste plus qu’un transcendé, qui ne semble pas connaître la peur. Bien, voilà un combattant de taille.

”Attention !”

Il ne sait pas d'où vient la voix. Il ne la reconnaît pas et il sait qu’il est seul, en ce moment. Mais il vient de rétrécir, d’un coup. Il est encore sur quatre pattes, il a encore un groin, le voilà un peu rassuré. Il a peur, d’un coup. Comme si il n’était pas près à affronter un énorme monstre comme le transcendé devant lui !

Il a l’impression de perdre ses moyens. D’avoir besoin d’un adulte pour le protéger. Il ne contrôle plus ce qu’il fait et invoque un clone à côté de lui. Il aperçoit un autre marcassin, rayé, avec une énorme tête. Tout comme lui. Le voilà redevenu enfant. Il couine et s’enfuit, mais ses pattes s’enfoncent petit à petit dans le sable. Le transcendé plonge vers lui et ce n’est que la chance qui l’aide à s’en sortir. Il reprend sa course folle et si spectateur il y avait, il pourrait entendre les petits “gruik gruik” du pauvre mini-Fenrir.

Mais… un marcassin, c’est un bébé sanglier, non ? Donc il est bien lui même ? C’est une situation de héros, ça, il le reconnaît. En tant que babyface de la fédération de lutte celestienne, peut il vraiment perdre contre un simple transcendé ? Bien sur que non. Alors il concentre tout son talent pour avoir un flashback. Malgré ses petites patounes qui s’enfoncent presque dans le sable chaud, il peut se remémorer la foule qui scande son nom, l’odeur de la salle et la texture des cordes du ring.  

Ce n’est pas parce qu’il est plus petit qu’il doit perdre ! Après tout, n’a-t-il pas lui même lutté contre un colosse ? N’est-il pas lui même l’un des sauveurs du Mont Celestia, ayant combattu contre ce titan contrôlant le métal ? Il ne peut donc décemment pas s’arrêter sous prétexte qu’il est un marcassin tout choupi. Après tout, il a une tête toute choupie aussi sous forme humaine, alors bon. Et puis, sa grosse tête, bien que lui faisant parfois perdre l’équilibre, l’aidera à charger.

Voilà qu’avec son cristal de clones, trois autres petits marcassins apparaissent, pour un total de cinq mini-Fenrir. Il n’y a qu’une seule solution pour faire tomber le monstre ! Ils s’élancent tous les uns après les autres à l’attaque des tibias de la bête. Après plusieurs charges répétées, celle ci s'effondre au sol. Les petits animaux tentent de cogner autant que possible la bête qui finit par en attraper un. Un clone, heureusement pour le célestien, qui disparaît lorsque le monstre tente de l’apporter à sa bouche.

Désormais à quatre contre un, il faut se rendre à l’évidence. Fenrir ne peut pas affronter l’une des créatures sous cette forme. Il doit fuir. Il déteste fuir. C’est un déchirement pour lui, mais il doit d’abord penser à sa sécurité. Il envoie ses clones attaquer et disparaître pendant que lui s’éloigne un maximum de la tour.

”Tu as appris ta leçon, brave marcassin ! Ne t’approche plus jamais de cette tour…”

La voix de tout à l’heure est bien moins rassurante. Sa dernière phrase sonne comme une menace alors que Fenrir reprend sa forme humaine et initiale. Il finit par s’écrouler au sol après une course effrénée et regarde derrière lui l’immense bâtiment dont il ne peut apercevoir la pointe, bien au dessus des nuages.

Qu’est-ce que je viens de vivre, exactement ?

C’est la seule chose qu’il peut penser, là, maintenant. Alors il reprend sa respiration avec difficulté, utilise son cristal de soin pour effacer les quelques traces des combats et sort son holokit pour appeler Eolia.

”Mon coeur ? Je vais rentrer. Est-ce que tu as déjà considéré l’idée d’adopter un marcassin ?”