Epreuve 5 • Manifestation • Dusk Lumiris [DL]

« A...rya... »

    Elle me hante.
Il y a quelque chose qui parasite mon sommeil depuis des heures,
des jours peut-être.
Je sais même pas qui elle est,
ce qu'elle me veut,
ou même ce qu'elle représente pour moi.
Mais je l'avais jamais entendue aussi clairement que ce soir-là.
Au départ c'étaient juste des sons, des murmures et maintenant,
une voix.

« ...ouvre...les yeux... »

    Même ça, j'en ai pas le courage.
Je suis lassé, brisé, fatigué, j'ai à peine la force de bouger les bras.
Comment est-ce qu'on se relève quand on est déjà tombé trop bas ?

« …confiance... »

    Elle résonne dans mon esprit mais je la comprend pas ;
non, je pourrais la comprendre mais
je veux pas.
Et elle frappe, elle martèle mon crâne et s'immisce comme du poison et je tremble,
j'ai l'impression que mon esprit vacille et succombe.
Au final, je crois que j'ai juste peur de ce qu'elle me dira,
peur de me retrouver devant mes démons et d'être incapable de les affronter en face.

« Fais-moi confiance. »

    Et c'est comme un choc alors que mes paupières s'ouvrent brusquement,
que je suffoque comme si on m'avait sauvé de justesse de la noyade
et je toussote comme si j'avais encore de l'eau coincée dans les poumons.
Et quand je regarde devant moi c'est pas les draps de mon lit que je vois,
pas les murs de ma chambre
ou les fenêtres de mon appartement ;
c'est de l'herbe,
à perte de vue et une gigantesque plaine qui s'étend
et quand je lève les yeux vers le ciel y'a rien d'autre que la nuit
et les étoiles qui me sourient.
Qu'est-ce que je fous ici ?
Y'a pas d'arbres, pas d'être vivants, rien du tout, juste un champ.
Alors je me relève et j'essaie d'avancer,
c'est pas que j'en ai envie mais je dois le faire, je veux pas être coincé.
Et il y a quelque chose d'étrange dans mon corps et quand je m'arrête,
je me rends compte qu'il a jamais été aussi léger.
Et toutes les incertitudes et les peines qui rendaient mes épaules trop lourdes,
elles sont même plus là.
    J'ai peur, je crois.
Parce que c'est pas normal que je ressente ça,
que je me sente si serein alors que j'allais si mal
et que mon sommeil m'empêchait de dormir parce qu'il était trop agité.
Et la voix n'est plus là et je me demande pourquoi je l'ai écoutée,
et je me demande si c'est pas juste la mort qui m'a emporté.
Mais c'est étrange parce que j'ai l'impression
qu'il y a une présence tout autour de moi
que quelque chose est là et que je le vois pas.

-Pourquoi est-ce que vous vous montrez pas ?!

     Et puis je me fige et mes yeux s'ouvrent comme si j'avais vu un fantôme
et je crois qu'il y a trop de temps où je reste planté là.

...bon sang, c'était quoi, ça ?

C'est comme si j'avais juste obéit à mon instinct,
parce qu'avec le temps j'avais oublié comment on ouvrait les lèvres pour s'exprimer,
ce que ça faisait de pouvoir placer des mots sur ce qu'on ressentait,
ce que c'était de parler.

-Je veux bien vous faire confiance... mais vous êtes même pas là...

    Ma voix tremble et elle est incertaine ;
ça fait trop longtemps que j'ai rien dit, rien prononcé.
Et je sais que c'est faux et que bientôt,
ma voix,
je l'entendrais plus jamais,
mais j'ai envie d'oublier qu'à ces moments y'a toujours un "après",
me dire que maintenant c'est pour toujours et si le prix à payer c'est de rester bloqué,
alors j'y suis prêt.

« Regarde derrière toi. »

     J'ai cru qu'elle me répondrait pas.
Et d'instinct je l'écoute,
parce que j'ai plus peur et que c'est mon corps qui me guide et pas moi.
Et elle se dessine,
gigantesque silhouette d'une majesté incroyable,
qui me baigne de sa présence protectrice et je suis en sécurité maintenant qu'elle est là.
Et je sais que c'est elle qui m'a rendu ma voix.

« J'ai entendu ta prière. Il n'y a pas grand chose que je puisse faire pour toi mais je suis prêt à t'accorder un souhait, un seul si cela peut aider à apaiser ton âme. »

    J'étais tellement désespéré, hier soir.
J'ai cru que j'y arriverais jamais,
j'ai même pensé à mettre fin à mes jours parce que de toute manière,
depuis que t'es plus là j'avance pas.
Et j'ai prié Arceus pour qu'il me vienne en aide, prié stupidement parce que je savais au fond de moi que ça arriverait pas, parce que d'habitude j'y crois pas, parce que j'ai jamais prié, moi.
    J'ai pas le temps de pas y croire.
Les minutes s'écoulent et cette fois, je les perdrais pas,
alors je m'avance et je sers les poings et à nouveau
j'entends ma voix.

-Je veux... le revoir une dernière fois.

    Il ne dit rien mais je crois qu'il m'entend,
et il y a une douce aura qui m'enveloppe et une douce fumée bleutée s'agite devant moi quelque temps,
longtemps,
et plus rien mais sur mon épaule
il y a quelqu'un qui pose sa main.
Et je crois que mon cœur va exploser quand je me retourne et que je le vois,
ton visage,
devant moi,
tout près de moi.
Je sais qu'à cet instant tu es rien de plus qu'une illusion Joshua,
que quand je me réveillerais tu disparaîtras et si c'est bien toi,
ce regard qui brille dans tes yeux,
pourquoi est-ce qu'il m'en veut pas ?

-Bonjour, Arya.

    Je suis tout près
et même bouger je peux pas.
J'ai du mal à y croire, je crois,
que ce soit toi, vraiment toi.
Dis-moi, Joshua,
pourquoi est-ce que tu souris comme ça ?

-J'ai pas beaucoup de temps, mais...
-Je suis tellement désolé, Josh !

    Ma voix est forte et elle brise la tienne alors que je me jette dans tes bras,
et mes larmes coulent tellement que j'ai l'impression que je me noie.
Pourquoi est-ce que tu es surpris, Joshua ?
Tu devrais pas.
C'est à cause de moi si tu es comme ça.
Et pourtant tu dis rien,
et tes mains se referment contre moi et tu me serres dans tes bras,
tu me caresses les cheveux comme tu avais l'habitude de le faire autrefois.

-Je sais, Arya.
-Alors pourquoi t'es pas en colère contre moi ? Tu devrais me détester, pas me regarder comme ça !

Pourquoi est-ce que tu m'en veux pas ?

-Je sais que t'as jamais voulu ça.

    Et quand tu me repousses, c'est pour mieux me regarder dans les yeux,
et ta main est froide quand elle passe sur ma joue
mais la tendresse qu'elle dégage me réchauffe un peu.

-Tu as voulu m'aider. Tu as toujours été comme ça. Même quand c'était de ma faute, tu pensais que c'était de la tienne et tu t'excusais pour des choses dont tu n'étais même pas responsable. Tu me soutenais quand j'allais mal et même quand je t'ignorais, tu continuais de revenir vers moi et j'aurais pu te haïr, te détester de tout mon cœur que tu aurais continué de m'aimer, parce que ce que tu ressentais c'était pur et c'est quelque chose qu'on efface pas.

    Je suis un peu ridicule, je crois,
d'arriver à rien dire alors que c'est pour toi qu'Arceus m'a rendu ma voix.

-Je t'ai déjà pardonné, Arya.

    Et ces mots, ce sont tes derniers alors que tu te dérobes sous moi,
que tes bras m'abandonnent alors que ta silhouette se trouble
et pourtant,
tu t'accroches encore à moi.

-T'en vas pas...

    Mais c'est trop tard et quand je rouvre les yeux,
tu es déjà plus là.
Et moi aussi,
je crois que je disparais alors que je vois sa silhouette une dernière fois,
et je tends la main vers elle comme un dernier signe alors qu'elle s'incline et que son crâne effleure le bout de mes doigts.

-Ta voix est belle, Arya. Ne l'oublie pas.

Ces derniers mots,
je sais pas vraiment s'ils sont d'elle ou de toi,
mais c'est mon plus beau souvenir de l'instant et je te promets que je le garderais toujours avec moi.