- Contexte Trois Îles:
Deux univers y coexistent, la Cité, complexe spatial dirigé par les Démiurges, et le Continent, réalité virtuelle pour certains, véritable planète vivant à une époque moyenâgeuse pour d'autres.
Arthur vit sur le Continent et comme la grande majorité des natifs du Continent il n'a pas conscience de l'existence de la Cité. Pour lui les démiurges sont de véritables dieux, puissants et qu'il vaut mieux ne pas contrarier.
- Arthur Vansen:
De caractère très doux, Arthur n'est clairement pas celui qui possède la plus grande autorité dans la maison, en laissant le soin à sa femme. Rares sont ceux qui l'ont déjà vu en colère, il faut vraiment qu'on l'y pousse pour qu'il explose.
Bon père et époux fidèle, il aime son foyer, qui le lui rend bien.
Pour autant ce n'est pas l'homme ou le père idéal. Ses passions, l'histoire et la botanique principalement, lui prennent beaucoup de temps, il n'est pas rare qu'il oublie l'existence de sa famille tant il est lancé dans un sujet. Il est aussi très désordonné, au point qu'il lui faille parfois une demi-journée pour retrouver ses derniers articles.
Arthur est également un homme assez maladroit. De ses mains surtout, mais aussi avec les gens. Souvent un peu gauche, il a beau faire de son mieux il est rare qu'il ne fasse aucun faux pas.
Arthur était préoccupé par une mésaventure inattendue survenue la veille.
Bien des hommes en auraient été heureux, bouleversé, touchés, mais pour lui c'était la tuile.
A vrai dire il avait même douté que le message lui soit réellement adressé et avait vérifié plusieurs fois que personne d'autre ne se trouvait dans les parages.
Mais non. C'était bien lui. Pour son plus grand malheur.
Toute la nuit et toute la journée il avait ressassé le problème et la façon de l'aborder avec sa femme.
Mais elle était bien trop futée pour ne pas voir que son mari était dans une situation dont elle aurait bientôt besoin de se préoccuper.
Dès que les enfants furent couchés elle le prit de front et il ne put reculer.
« Eh bien... Tu vas sans doute avoir du mal à le croire. Moi-même j'ai pensé qu'il s'agissait d'une erreur. Mais les dieux ne peuvent se tromper et je suis certain que le message m'était adressé. »
Il marqua une pause, essayant de trouver les bons mots et laissant à sa femme le temps de se faire à l'idée que cela venait d'une entité supérieure.
« Ils m'ont demandé de trouver une femme et de l'aider à accomplir sa destinée. Une grande destinée.
Ils disent que je dois partir la retrouver. »
Il soupira et l'un de ses chiens vint poser la tête sur son avant-bras.
« Elle serait en Hérial. Mais c'est vaste et ils n'ont pas dit grand chose de plus. Elle est jeune et d'après eux je la reconnaîtrai à l'instant où je la verrai. »
Sa femme se leva et fit quelques pas. Elle observa le feu un bref instant avant de prendre la parole.
« Je sais que tu ne mens pas. Si tu voulais assister à une conférence en Hérial tu n'inventerais pas d'excuse, et tu n'es pas le genre d'homme à chercher l'aventure.
Et je sais que les dieux n'aiment pas qu'on les contrarie.
Mais tu ne peux pas partir. C'est trop dangereux et incertain, tu pourrais rencontrer des dangers auxquels tu ne saurais pas faire face.
Tu n'es pas un guerrier ni un grand voyageur, tu es un érudit, un chercheur. »
Elle réfléchit rapidement, puis reprit.
« Peut-être veulent-ils que tu la cherches par des moyens intellectuels et pas en te jetant sur les routes. Ils n'ont pas de raison de te mettre à l'épreuve, ils t'ont sans doute choisi pour tes connaissances et ta capacité de raisonnement.
-J'aimerais te croire. Mais ils ont dit que je devais la trouver et l'aider. Et il existe en Hérial de grands érudits, des savants qui n'auraient pas à rougir devant ceux de l'Occinaru. Pourquoi n'en auraient-ils pas choisi un plutôt que moi ? En étant sur place il aurait plus de chances de pouvoir l'aider.
-Les dieux ne font jamais de telles choses. Ils n'éloigneraient pas un père de ses enfants pour un voyage dont le but est aussi difficile à atteindre que de trouver une aiguille dans une botte de foin. Des femmes en Hérial il y en a beaucoup.
Et tu en as déjà une ici.
-Je te jure que je préférerais cent fois rester ici ou faire un voyage dans un but suffisamment précis pour savoir avec certitude quand je vais rentrer, Marie-Hélène. Mais si je ne fais pas ce que les dieux me demandent je crains le pire pour nous.
-Quel dieu t'a parlé ?
-C'était confus. Je ne saurais pas le dire avec certitude. Une voix d'homme, assurée, impérative. Mais les dieux n'ont pas de raison d'être autrement et les déesses sont capables de prendre la voix qu'elles veulent.
-Consulte des prêtres. Dis-leur ce qui t'est arrivé et demande-leur lequel peut t'avoir missionné. Ça pourrait aussi bien être Vilgahrr qui s'amuse avec toi.
-Pourquoi ferait-il ça ? Je ne l'ai jamais provoqué.
-Je l'ignore. Mais les prêtres le sauront. Consulte-les.
-Je le ferai. Mais j'espère que les dieux ne m'en voudront pas.
-Si c'était bien un dieu tu lui feras des offrandes et tu demanderas au prêtre comment le servir au mieux, il te pardonnera. Et si ça n'en était pas un tu auras évité de blasphémer en déclarant qu'ils t'ont parlé. »
Arthur ne put qu'admettre que son épouse avait raison.
Il la remercia de sa compréhension et de son aide et se plongea bientôt dans l'étude d'un traité de botanique.
Il y renonça pourtant une heure plus tard, trop préoccupé par la manifestation et ses conséquences pour se concentrer.
Le lendemain et même les jours qui suivirent, il vit plusieurs prêtres et eut de longues discussions avec eux. Malheureusement il eut presque autant d'hypothèses que d'autorités consultées.
Au fond de lui il était certain qu'il s'agissait bien d'un dieu et que la mission était réelle, mais Marie-Hélène ne le laisserait jamais partir s'il ne l'en convainquait pas.
Et entre un dieu et son épouse, il n'était pas certain de vouloir faire un choix sur la personne à contrarier.
D'un côté un dieu avait un pouvoir de nuisance considérable, de l'autre c'était avec sa femme qu'il vivait au quotidien, c'était elle qui gérait la maison et bien des choses dont il préférait ne pas se préoccuper.
Finalement, anxieux à l'idée de ne jamais recevoir de réponse claire, il écrivit aux érudits hérialiens qu'il connaissait le mieux, leur exposant son problème et leur demandant s'ils pouvaient l'aider à le résoudre.
Compte-tenu de la longueur du voyage et des aléas d'un courrier envoyé à des centaines de kilomètres, il aurait la conscience tranquille pendant plusieurs mois.
Pourtant à peine trois semaines plus tard des événements, au début anodins, lui firent craindre le pire.
Ses bougies s'éteignaient, un de ses livres tomba dans le feu par une succession de malchances qui en temps normal n'auraient jamais dû arriver, la nuit il entendait sa maison craquer alors que Marie-Hélène disait ne rien percevoir.
Plus les jours passaient plus des manifestations négatives se produisaient. A tel point qu'il prit la décision de partir pour l'Hérial. Et comme il savait que son épouse ne serait pas favorable à ce voyage, il s'y prépara en pleine nuit.
Il lui écrivit une longue lettre, s'excusant platement pour son départ et lui jurant qu'il reviendrait deux mois plus tard, qu'il ait réussi sa mission ou non, et donnerait des nouvelles dès qu'il le pourrait.
C'était la première fois qu'il agissait sciemment dans le dos de son épouse et il en fut malade pendant tout le trajet qui le mena en Hérial.
Pourtant les manifestations négatives avaient cessé, le rassurant sur la réalité de sa mission, ce qu'il s'empressa d'écrire à sa femme.
Ce qui se passa ensuite, Arthur ne le raconta jamais à personne. Il revint deux mois plus tard ainsi qu'il l'avait annoncé à sa femme, et lui promit qu'il ne repartirait plus. Il était évident qu'il avait vécu des expériences nouvelles, certaines sans doutes traumatisantes, mais il était revenu et son périple l'avait encore plus attaché à son foyer. Il reprit avec joie son rôle de père aimant et de mari dévoué et son étude de l'histoire et de la botanique.
Ce ne fut que des années plus tard que Marie-Hélène vit le résultat de sa quête et comprit que, vraiment, son époux avait joué un rôle majeur dans l'histoire du pays.