- A lire avant:
Coucou, ici Silivren de NRP !
Pour la petite histoire de ce texte, je ne voulais pas participer en candidat au départ, puis je me suis laissée convaincre par l'ambiance de l'interforum
puis j'ai eu un mal de tête carabiné. Mais je tiens ma parole.
L'idée est d'immortaliser Furaha à l'interforum. Pourquoi immortaliser ? Car elle appartient à un pico-monde ! Plus petit que nos nano-mondes, le pico-monde est voué à disparaître. Bruxia est donc une école de magie où des Shamans sont capables de voir et d'invoquer des Esprits. Furaha Nuru est une Ethiopienne qui enseigne à Bruxia l'Histoire shamanique. La famille Nuru est très liée à Palasimbhala (litt. le lion antilope en swahili) l'Esprit du Cycle de la Vie.
Nous sommes actuellement au chapitre 4 de l'event sur Bruxia. Le grand méchant de Bruxia, Falveras, un des quatre Esprits cardinaux (les plus puissants) a eu la bonne idée de vouloir se faire vénérer comme un dieu par des shamans lui étant fidèles, les Brisemorts, et par des humains, son culte étant mené par Julio. Il a été arrêté en 1762 et on pensait en avoir fini. Quoique : aucune information précise ! Même les Esprits ne se souviennent de rien... Et voilà que trois siècles plus tard, les Brisemorts font leur grand retour ! :o Furaha est convaincue qu'elle peut retrouver les informations perdues à leur sujet, pour mieux pouvoir contrecarrer leurs plans.
Une dernière chose... Je suis moi-même enseignante d'Histoire et fortement touchée par ce qui est arrivé juste avant les vacances à mon collègue professeur d'Histoire. Mon texte en possède des échos.
"L'historiographie est l'histoire de la méthode de la discipline historique. (ref wikipedia)"
Le bureau de la Shaman était un entrelacs de papiers, de livres et de gribouillis à ne plus en trouver la tête ni la queue. Un chat-souris au poil noir jouait sans grand intérêt avec une boule de papier.
« Je ne reconnais pas la fougue des Nuru dans ce laisser-aller, mon amie. » marmonna Palasimbhala en abandonnant son jouet.
« Où est passée la Lionne d’Ethiopie ? » Un soupir harassé s’échappa des lèvres craquelées de Furaha.
« Elle erre dans un désert qui n’a pas de fin. Il serait peut-être temps de s’incliner devant mon impuissance. » « Ce qui serait fort dommage. Car, pour ceux qui cherchent, une oasis peut être trouvée. » intervint soudainement une voix étrangère. Palasimbhala se redressa, son étonnement perceptible dans ses yeux ; et il en fallait beaucoup pour surprendre une entité aussi vieille que l’Esprit du Cycle de la Vie. Furaha se retourna donc avec une faim coutumière de curiosité au creux du ventre. Quelle ne fut pas son saisissement en apercevant un Esprit qu’elle n’avait jamais vu !
« Je suis venue en quête de la Lionne de Nuru. » continua l’Esprit. Ses contours semblaient indéfinis, comme s’ils n’avaient été qu’esquissés et jamais terminés, ou plutôt étaient-ils en constant mouvement. L’Esprit n’avait pas pris la peine de genrer son corps et son visage n’était qu’un masque dont les traits changeaient à chaque seconde. De multiples yeux regardaient par-ci par-là dans une cadence frénétique qui calquait son rythme sur la danse des bras incalculables que l’entité utilisait pour écrire, noter, transcrire ce que ses yeux voyaient ; il avait pourtant un regard attentif braqué sur eux.
« C’est l’Esprit de l’Histoire. » lui indiqua Palasimbhala avec une déférence qu’elle entendait rarement. Furaha comprenait mieux son aspect aussi changeant : l’Histoire ne s’arrêtait jamais de s’écrire, pas même une seconde.
La Shaman se leva de sa chaise et s’inclina respectueusement.
« Ô grand Esprit de l’Histoire, c’est un honneur de te rencontrer. Que puis-je pour toi ? » Les yeux la décortiquaient de haut en bas, de droite à gauche, de corps comme d’âme.
« Ainsi donc, tu te reconnais encore comme une Lionne. Bien ! Je suis venu t’éprouver, Furaha Nuru, et voir si tu mérites le nom d’Historienne. » La Shaman ouvrit de grands yeux éberlués et sa peau prit une teinte grenat ; n’avait-elle pas abandonné, excédée par la fatigue, la difficulté, l’impression de tourner en rond ?
« Je crains de ne pas en être digne. » dit-elle d’une voix rauque, secouant la tête avec un pauvre sourire harassé.
« J’ai perdu la fougue. »« Une lionne laisserait-elle sa proie s’enfuir car un désert se dresse devant elle ? » Piquée au vif par le ton mordant de moquerie, Furaha se dressa devant l’entité avec des yeux flamboyants.
« C’est plutôt que je n’en vois même pas la queue, de cette proie. N’est-ce pas un mirage que je cherche ? Le désert semble m’avoir tourné la tête ! » L’un des bras de l’Esprit cessa d’écrire, la plume tremblotant d’anticipation, mais aussi d’indécision.
« Relèveras-tu mon défi ? Même si ce n’est qu’un mirage, c’est ton devoir d’en statuer. Tant que le doute persiste, un Historien ne doit pas abandonner sa quête. Je me répète, Furaha Nuru, Lionne d’Ethiopie, Enseignante d’Histoire shamanique, relèveras-tu mon défi ?! »Il y eu un silence qui ne fut troublé que par la plume qui avait repris sa danse. Un petit sourire se fit jour sur les lèvres de Furaha. Il devint rapidement un soleil dont l’éclat venait réchauffer la terre noire, source de vie comme de mort, à l’image de l’Esprit qui en avait pris la couleur. Une Lionne qui avait été forgée par cette terre pourrait-elle vraiment abandonner aussi aisément ? Elle s’était ramollie par trop de confort !
« Montre-moi donc tes épreuves, Esprit de l’Histoire ! » L’Esprit claqua plusieurs de ses mains.
« Fort bien ! Il y aura trois épreuves, perds-en seulement une, et ce sera fini. » Les mains s’étendirent autour d’eux jusqu’à les enserrer dans un domaine qui n’avait pas de temps, excluant Palasimbhala qui en siffla de mécontentement.
« Tu dois agir seule, Furaha Nuru. » Elle acquiesça mais l’Esprit avait déjà enchaîné, comme s’il connaissait sa réponse ; elle ne revenait jamais sur une parole donnée. Le masque de l’entité prit alors les traits d’un visage.
« Voici Hérodote, que l’on dit être le Père de l’Histoire. Sais-tu pourquoi ? Il n’est pourtant pas le premier à avoir narré les événements de son époque. » « Car c’est le premier à avoir écrit l’Histoire pour les futures générations et pas seulement pour exalter la gloire de son maître. » Une moue taquine fleurit sur les lèvres de la femme.
« Est-ce là un test d’historiographie ? Me voilà déçue… Je peux déjà répondre à la plus dure question que tu pourrais trouver ! Je sais que le manque d’informations sur les Brisemorts n’est pas dû au temps mais à une intervention… J’aimerais bien TE questionner à ce propos, d’ailleurs. » Le masque perdit ses traits mais le sourire persista une seconde de plus.
« Je ne sais rien à ce propos. Je ne suis qu’un chroniqueur. »« Quel beau mensonge ! Histoire signifie enquête. Elle n’est pas qu’une suite de faits. Il faut les comprendre et les expliquer, et rechercher la vérité. Tu m’as promis une oasis, où donc est-elle ? Tu m’embrouilles sur ce que je sais déjà. » La voix de Furaha était portée par le vent ardent qui s’était levé dans le désert de sa recherche ; son esprit échafaudait à nouveau mille pensées, moult idées, tant d’hypothèses, mais aucune certitude n’en ressortait encore.
« Alors tu t’avoues à toi-même que tu sais quelque chose. »Elle s’arrêta soudainement, figée de corps comme d’esprit, la bouche béante. L’Esprit de l’Histoire en profita pour se retirer dans les ombres qui s’étaient amoncelées autour d’eux.
« Tu te rappelles la Mémoire et tu te rappelles l’Enquête, le Savoir et la Pratique, et tu as trouvé des Faits, Furaha Nuru. Il ne te manque plus qu’une chose, la dernière épreuve pour être Historienne. » Sa voix prit des accents menaçants, lourds et inquiétants, comme un nuage d’orage qui ne promettait nulle pluie mais la chape de plomb d’une tempête de sable. Pour enterrer la fouineuse, pour oublier le passé, pour protéger le secret.
« Que fais-tu ? » gronda Furaha, l’œil méfiant observant son nouvel environnement.
« Je t’éprouve une dernière fois, Furaha Nuru. »Les ombres s’épaissirent, chuintantes et grondantes, en des formes de couteaux et de fusils, de poings et de cris, de haine et de menaces ; ils étaient si nombreux ceux qui voulaient que les Historiens se taisent. Que l’Histoire ne soit écrite que par les vainqueurs. Que l’Histoire ne soit écrite que par les puissants. Que l’Histoire ne soit écrite que par un seul point de vue. Qu’elle oublie les petits, les minorités, les vaincus. Qu’elle taise l’ordinaire, les déshonneurs, les secrets. Qu’elle obéisse à des règles, à des dogmes, et qu’elle change donc au fil des siècles. Et ces ombres se massaient désormais contre Furaha, toutes de crocs et de griffes, toutes de lames et de balles, toutes de bruits et de chantages, pressant contre son cou le souffle putride de la mort.
Mais elle ne fit que les défier d’un regard qui ne vacilla pas.
« Je ne me tairai pas. » gronda la Lionne dont l’opale des yeux luisait du feu de sa détermination.
« Je ne cesserai pas de chercher, d’enquêter, de trouver la vérité. Et encore moins cesserai-je de la transmettre, de parler librement et d’offrir l’esprit de critique à ceux qui prêteront une oreille à mes mots. La peur ne me fera pas reculer, je suis libre d’exprimer ce que je sais, et je me garderai de retenir mon savoir car il appartient à tout le monde. Reculez donc maintenant ! » Sous la force de son injonction, les ombres s’enfuirent et elle bondit vers l’entité sans regarder en arrière vers la sécurité de son confort, ni sur ses côtés vers les menaces qui vrombissaient toujours vers elle ; elle n’avait d’yeux que pour l’objet de sa quête, droit devant elle.
« Esprit de l’Histoire, je suis venue chercher mon oasis ! » clama-t-elle. L’entité mit une de ses mains sur sa poitrine où pulsait férocement un cœur qui ne faiblissait pas contre l’adversité.
« Tu l’as déjà trouvée, elle a toujours été en toi, Furaha Nuru ! Ne cesse jamais de chercher, ne cesse jamais d’enseigner. Tu y es presque, n’abandonne pas. Rétablis la vérité sur les Brisemorts ! » Elle avait seulement cligné des paupières, un geste humain qui la désespérait maintenant. Car en cette demi-seconde, l’Esprit de l’Histoire avait disparu avec les secrets que lui seul détenait. Palasimbhala vint se frotter à ses jambes en ronronnant, rassuré de la retrouver saine et sauve, et elle haussa les épaules avec un petit sourire.
« Je suppose donc que je suis une Historienne. Allons, mon ami ! Nous avons encore un désert à traverser ! »