1467 mots selon le compteur qui apparait en premier sur mon google - Elisha & Terrae:
Terrae, c'est un pensionnat/village/communauté pas comme les autres, où les gens qui possèdent un don particulier peuvent venir s'épanouir. Ce don, il n'apparait pas au hasard. En fait il se développe chez les personnes qui ressentent le Vide. Ce petit truc qui fait que notre existence n'a plus de sens, qu'on ne sera plus jamais nous même, qui apparait après un drame souvent. Terrae, c'est un lieu de rémission pour tous les gens qui ont eu ce Vide en eux.
Elisha est arrivée à Terrae il y a presque 2 ans. Son Vide est apparu suite à sa fausse couche. Sa grossesse n'était pas désirée, et elle était jeune, aussi personne n'a semblé comprendre qu'elle se sente si triste, d'où sa solitude grandissante.
Elle est tombée enceinte de Tiago en janvier dernier, mais ne s'en est pas aperçue avant août à cause d'un gros déni de grossesse. Elle a accouché, mais on lui a retiré son enfant avec son "accord", car elle était incapable de s'en occupée, habituée aux soirées et pas vraiment prête à changer de vie.
On vous promet que la douleur cessera. Que le temps effacera les doutes, les regrets, les blessures. Que vous êtes forts, bien plus forts que vous le pensez, bien assez pour avancer. Mais la vérité, c’est que ça fait bien longtemps qu’Elisha a baissé les bras. Elle n’essaie plus de tourner la page. Elle n’essaie plus d’apprendre de ses erreurs passées. Elle veut juste oublier. Et c’est à ça qu’elle dépense la totalité de son énergie aujourd’hui.
Oh, ils ont été nombreux, ceux qui ont voulu la juger. Nombreux aussi ceux qui ont voulu l’aider. Mais plus rien ne l’atteint : ni les mots rassurants des amis qui sont passés la voir, ni les paroles sensées de son groupe de soutien, ni les pics acerbes qu’elle entend parfois dans son dos. Ses propres émotions ont totalement été effacées. Une page blanche, que plus aucune palette ne parvient à colorer. Même les émotions des autres ne l’atteignent plus. Elle peut tout bloquer, maintenant qu’elle est devenue étoile. Un beau cadeau hein ? Ca valait vraiment le coup …
Une fois de plus, elle passe la soirée avec ses deux meilleurs amis : LSD et vodka. Un mélange pas forcément recommandé mais, après tout, qu’est ce qu’elle en a à foutre ? Ca lui arrive parfois d’avoir envie de rendre visite à ses parents, histoire de leur montrer que s’ils pensaient qu’elle était un déchet avant, maintenant c’est dix fois pire. Leur dire que tout est leur faute. Il faut bien que ce soit la faute de quelqu’un. Ou plutôt, de quelqu’un d’autre qu’elle. Parce que si la brune commence à penser que c’est de sa faute, c’est sûr, elle se fout en l’air. Mais elle n’arrive même plus à les haïr. Elle peut juste … décrocher de sa réalité, partir loin, là où son esprit veut bien l’emmener après la dose qu’elle vient de s’injecter.
- Tu es pathétique.
La voix vient de la droite, mais Elisha ne tourne pas la tête. Elle la reconnaîtrait entre milles. Elle ne l’entend pas si souvent, pourtant, sinon ça fait longtemps qu’elle aurait plus touché au LDS. Non c’est juste que cette voix … elle ne peut pas la sortir de sa tête. Même si objectivement elle l’a créée de toutes pièces.
- La ferme Nour. Dégage.
Sa réponse est sèche, ferme, ne laisse pas de place à la protestation. Pourtant la voix reprend d’un ton plus piquant encore, appuyant sur chaque mot.
- Tu. Es. Pathétique.
Elisha grogne, et finit par poser les yeux sur son hallucination. Une fillette qui n’a pas l’air d’avoir plus de 4 ans physiquement. Le portrait craché de la jeune fille, en fait, si on exclut la teinture bleue : même peau caramel, même cheveux ébène, même yeux orage. L’image mentale qu’Elisha s’est faite de son premier enfant. La vision l’a surprise les premières fois mais maintenant elle est habituée, et elle ne prend plus de pincettes pour la rembarrer.
- J’ai pas besoin que tu viennes me casser les couilles. Je m’en sors très bien toute seule.
- Ouai, je vois ça, répond Nour avec ironie. Un beau modèle de réussite.
- Oh ça va, lâche moi. J’ai pas de comptes à te rendre. Tu viens de ma tête. T’es personne !
La petite fille affiche un sourire sadique, provocateur, et lève le menton bien haut avant de répondre :
- Bah alors, tu attends quoi pour me faire disparaître ?
Elisha reste muette, et pose sa tête dans ses mains. Elle ne demande que ça. La voir lui file un mal de crâne insupportable, et a toujours le don de lui filer le cafard pendant une ou deux semaines. Quoique, de ce côté là, elle doute qu’elle puisse aller plus mal. Même être triste, c’est mieux qu’être rien. Peut être que finalement, le plus insupportable, c’est qu’elle puisse avoir raison ?
Nour sait parfaitement qu’elle a le dessus de la conversation. Qu’Elisha pourrait essayer tant qu’elle le voudrait, elle n’arriverait pas à la faire disparaître. Alors elle jubile, forcément. Toutes les consciences ont leur part d’arrogance nan ? La petite fille fait quelques pas dans la chambre en jettant à sa “mère” un regard désabusé.
- Evidemment, tu peux pas. C’est ce que je disais, tu es pathétique ma vieille. Harcelée par une voix dans ta tête. Pas capable de la faire taire. Allez quoi, t’attends quoi ? J’suis qu’une touuuute petite fille.
Elisha baisse le regard. Elle n’a plus la force de se battre contre Nour, qu’elle dise bien ce qu’elle veut, tant pis. Elle fera juste comme si elle ne l’entendait pas. Après tout, elle n’existe même pas. Elle se contenterait de ça …
- Tu vois c’est ça ton problème. Tu te contentes. Tu te bats pas. Tu laisses les choses comme elles sont et tant pis si ça te rend malheureuse. Tu fais ta martyr parce que tu penses que t’es tellement plus intéressante comme ça. Mais au final tu es juste fatigante, et ennuyeuse. Pas étonnant que tout le monde en ait marre de toi. Que Tiago en ait marre de toi.
Ca, c’était le nom à ne pas sortir dans l’immédiat. Elisha redresse la tête, rouge de colère.
- C’est pas vrai, il en a pas marre ! Et mes amis non plus ! T’es qui en fait pour venir me dire ça ? J’en ai plus qu’assez de t’écouter !
Nour croise les bras, et hausse un sourcil.
- Je suis juste là pour te faire entendre ce que tu n’écoutes pas d’habitude. Parce que oui, tu ne m’écoutes jamais. Tu ne T’écoutes jamais.
La provocation a disparu de sa voix. Peut être que le fait qu’Elisha assume que des personnes tiennent à elle était son objectif depuis le début. Ou peut être pas, c’est toujours difficile de savoir si ce genre de visions a un but ou pas. La fillette reprend en s’asseyant à côté de son homologue :
- Tu dois te battre. Tu sais ce dont tu as envie. Tu veux qu’elle revienne dans ta vie ! Et tu crois que tu vas y arriver en te comportant comme ça ? Ils te l’ont prise parce que tu pouvais pas l’élever. Et ils ont eu raison vu la loque humaine que tu es … Tu m’as déjà perdue moi … Tu vas quand même pas la perdre elle aussi.
Elisha pince les lèvres. Oui, c’est ce qu’elle souhaite le plus au monde. Tenir sa fille dans ses bras pas juste pour une heure une fois par semaine. Nan, elle la veut tous les jours. Elle veut être là pour ses premiers pas. Ses premiers mots. Elle veut qu’elle l’appelle “maman”.
- Et c’est pas la seule chose pour laquelle il faut que tu te battes ma vieille. T’es sacrément stupide de jamais lui avoir dit que tu voulais plus, à Tiago, tu le sais, ça ? Osef d’avoir l’air d’une idiote, au moins il aurait su. P’t’être même que t’aurais eu une bonne surprise en fait !
La fillette se plante devant Elisha, les mains sur les hanches, les sourcils froncés.
- Il est temps que tu arrêtes de t'apitoyer sur ton sort. Que tu prennes ta vie en main ! Va voir Tiago, et débrouille toi pour que ce soit toi qui finisse ta vie à ses côtés. Va voir tes parents et dis-leur que ce sont des enfoirés qui n’existent plus à tes yeux. Va voir Aaron, et montre que tu vas changer. Que tu as déjà changé. Que ta fille, c’est avec toi qu’elle va grandir. T’as compris ?
Elisha hoche la tête, mais Nour ne semble pas s’en contenter. Elle répète d’un ton plus autoritaire :
- J’ai pas entendu ! T’as compris ?
- Oui, ça va, j’ai compris !
Nour a raison. Il est temps qu’elle arrête d’attendre que tout lui tombera tout cuit dans le bec. Il est temps qu’elle se batte pour voir ses envies se réaliser. Il est temps qu’elle grandisse.
La fillette semble satisfaite du changement qui s'opère peu à peu dans l’esprit d’Elisha. Ses contours se floutent, son image se brouille, et bientôt elle disparaît aussi simplement qu’elle est apparue.
On vous promet que la douleur cessera. Que le temps effacera les doutes, les regrets, les blessures. Que vous êtes forts, bien plus forts que vous le pensez, bien assez pour avancer. La vérité, c’est que si vous êtes pas prêts à vous bouger, personne le fera pour vous. Et c’est vrai : vous êtes bien plus forts que vous l’imaginez.