Epreuve 2 • Patriotisme • Dùralas [DU] - Terrae [TE]

Un jeu, un portail étrange, une foule hurlante de l’autre côté. Cela semblait trop amusant pour que je passe mon chemin sans y faire attention.

À première vue, on aurait dit une arène. Sablonneuse, au haut gradins remplies de spectateurs en délires et au présentateur loufoque digne des plus grands animateurs de fêtes foraines.

Sans même avoir eu à me poser la question, je sus exactement pourquoi j’étais là. Comme si le lieu parlait de lui-même afin de me dicter les règles de ce tournoi, car c'était bien de cela qu'il s'agissait.

Alors m’avançant sur la piste, les jupes de ma robe en soie bleutée dessinant des sillons sur le sable, je saluais le public mon violon à la main. Terrae… Je me demandais bien à quoi pouvait ressembler ce monde, même si en réalité je n’avais aucune envie de m’en emparer. Le visiter, pourquoi pas. La louve au pelage noir et aux grandes ailes de jais marchait à mes côtés, impassible.

« Et voici notre deuxième championne ! Holy, venue tout droit du monde de Dùralas ! Vous avez compris maintenant, alors je ne vous refais pas le topo !

…Cependant ! Mesdames et Messieurs, pour cet affrontement, je demanderais plus de fantaisie ! »

Cet homme était visiblement fou à lier, au moment de crier ce dernier mot, il claqua des doigts. Aussitôt, le sol trembla et rapidement, le ciel se couvrit sous le chapiteau d’un cirque immense, accompagné par les acclamations du public. Bien qu’il ne ressemblait en rien à mon cirque, je connaissais bien cette atmosphère donnant vie aux rêves les plus fous. Le présentateur avait mis une tout autre tenu, ressemblant d’avantage aux Monsieur Loyaux, bien que son style n’arrivait pas à la cheville d’Azriel. M’enfin… Ce n’était qu’un amateur après tout.

Mon adversaire de cette arène pour le moins étrange se trouvait à plusieurs mètres de moi. Je le saluais d’une de mes plus élégantes révérences avant de me relever et d’annoncer d’une voix forte et théâtrale.

« Mesdames et Messieurs. Jeunes Dames et Damoiseaux. Je vous annonce que le spectacle… Commence ! »

Positionnant mon violon sur mon épaule, je débutais une mélodie douce et enchanteresse, plongeant le chapiteau dans une atmosphère onirique.

Mon adversaire semblait surpris et légèrement irrité par le tour de magie du maître des lieux. Moi j’étais plutôt amusée, un cirque, c’était plutôt drôle comme mise en scène. Ils voulaient du spectacle, en avoir plein la vue, être éblouis, qu’à cela ne tienne, ils ne seraient pas déçus.

« En effet, c’est très gentleman de votre part, très cher. Mais nous venons à peine de commencer, il serait dommage de finir sur une note pareille. » Répondis-je d’un ton amusé et faussement aristocrate tout en observant les trois sphères flamboyantes m’arriver dessus.

Tandis que je jouais, je sentais la magie vibrer autour de moi et affluer dans tout mon corps. Elle s’échappa de mes pores en une Brume épaisse d’un bleu profond, se propageant alentour. Ensuite tout se passa très vite. La louve déploya ses ailes. Puis d’un bon parfaitement maîtrisé, sauta sur les boules de feu qui s’écrasèrent sur son plumage recouvert de Brume, explosant tel des bombes de fumées lumineuses. Mon amie atterrit gracieusement et sans dommage tandis que le chapiteau était envahi de dizaines de nuages colorées, arrachant des exclamations d’admiration au public.

« Eh bien, eh bien ! Quelle prestation ! Il semblerait que la jeune femme ait modifié l’essence magique des boules de feu de son adversaire ! Une stratégie défensive qui, ma foi fonctionne totalement ! »

Le présentateur semblait conquis par la tournure des événements, mais je ne comptais pas m’arrêter là. Bientôt et tout en suivant le rythme de la mélodie, les nuages colorés tremblotèrent avant de changer de forme. Des oiseaux, multicolores et vaporeux, se mirent à voler en harmonie avec la musique suivant des courbes aériennes et élégantes. Puis n’oubliant pas mon adversaire, je détachais un petit groupe de volatile qui vint voleter autour du magicien.

Ma magie l’entourait, altérant sa vision et je l’espérais, ses sens. Je ne voulais pas le blesser, mais je devais tout de même gagner d’une manière ou d’une autre. Dùralas était mon monde.

Ce fut d’un simple sourire malicieux que je répondis à sa pique. Trop occupée par mon violon, les notes qui s’enchaînèrent rapidement et la mélodie s’envolant dans tout le chapiteau pour papoter tranquillement avec mon adversaire. Je n’avais jamais libéré autant de magie auparavant et la garder sous contrôle s’avérait être plus compliqué que prévu, la nuée d’oiseaux décrivait des courbes désordonnées, échappant à ma volonté. Quant à l’humain, il ne semblait pas affecté par la Brume, ou s’il l’était, il ne le montrait pas.

Le monde devint flou sous mes yeux, la fatigue commençait à rendre le décor étouffant et ma concentration défaillit. Je sentais mes créatures de Brume disparaître les unes après les autres. Bien qu’elles soient intangibles, il suffisait de les traverser pour qu’elles s’évaporent en nuages brumeux.

Trop occupée à envoyer mes oiseaux sur Tiago afin de le désorienter, Lune prit les devant et sauta une nouvelle fois sur les flammes. Sous-estimant la puissance du magicien, mon amie ne put contenir le feu comme les sphères précédemment.

Nos corps connectés, le moindre mal qu’elle pourrait ressentir nous serait fait à toutes les deux. Nous chutâmes au même moment et un cri de douleur m’échappa, une vilaine brûlure apparut sur mon épaule droite tout comme sur la sienne.

Mon violon tomba dans le sable fin, tout me semblait irréelle. Un bourdonnement insupportable s’intensifiait dans mes oreilles, je voulais seulement qu’il s’arrête.

Lune avait été blessée, une rage profonde, nouvelle, m’envahit. Je me relevais tant bien que mal. Quelque chose dans mon regard avait changé, je sentais toujours mes créatures disparaître peu à peu, décuplant ma colère. Alors, je me concentrais sur mes mains, la magie affluait au bout de mes doigts.

« ASSEZ ! » Criais-je tout à coup en frappant dans mes mains, le son que ce simple claquement produisit résonna dans le chapiteau, accompagné par une onde de choc puissante, balayant la Brume, balayant les oiseaux, balayant mon adversaire qui s’en retrouva projeté au sol.

Le silence… Un silence reposant finalement… Ni le public, ni le présentateur n’osèrent dire un mot pendant plusieurs longues secondes.

Je me redressais, le souffle court, haletante en observant le calme qui régnait. La douleur cuisante à mon épaule me donnait des frissons glacés. Je pris mon bras de ma main valide dans un geste vain de réconfort tout en me disant que la fin de ce spectacle laissait fort à désirer. Moi qui voulais simplement en mettre plein la vue à ce public étrange. Comment cela a-t-il pu dégénérer ainsi ?

« Pourquoi tu nous fourres toujours dans ce genre de pétrin ? Si tu ne nous avais pas fait traverser ce portail bizarre, on n'en serait pas là. » Me réprimanda la louve tout en boitillant jusqu’à moi.

Elle n’avait pas tort, j’avais toujours cette fâcheuse tendance à me trouver dans des situations aussi complexes qu’improbables. J’allais faire demi-tour, écouter la voix de la raison et rentrer dans mon monde. Mais l’animateur fou ne semblait pas de cet avis, me faisant sursauter lorsqu’il nous ordonna de reprendre les festivités. Pour lui, rien était terminé. Je lui lançais un regard assassin, découvrant mes quenottes pointues en grognant faiblement. Mais pour qui il se prenait celui-là ?

L’amusement qui m’animait au départ avait totalement disparu, laissant place à une certaine irritation et un fort sentiment de danger. Nous étions à sa merci ici, rien de cet endroit n’était vraiment réel, il avait tout fabriqué de toutes pièces.

J’eus un mouvement de recul à l’approche de mon adversaire. Le fixant avec méfiance, j’étais prête à me défendre s’il le fallait. Cependant je me détendis alors qu’il s’excusait, je ne m’y attendais pas mais j’étais plutôt soulagée de constater que lui aussi trouvait toute cette mascarade ridicule.

Ma moue méfiante se transforma en sourire amicale, je lâchais mon bras blessé tentant d’oublier la douleur. Peut-être qu’il s’en voudrait moins s’il voyait que sa blessure ne me faisait pas mal.

« Peut-être que si on lui dit simplement qu’on ne veut plus se battre, il nous laissera repartir ? » Tentais-je de proposer à Tiago sans vraiment y croire moi-même.

De ma main valide je pris celle de mon ancien adversaire avant de parler d’une voix claire et forte à l’animateur déjanté.

« Le combat est terminé, nos mondes nous appartiennent et personne ne peut en décider autrement. »

Bien, l’avantage c’est qu’il ne peut pas être plus en colère que ce qu’il n’est déjà…

Cet homme semblait vraiment puissant, voyageur entre les mondes et probablement fauteur de trouble. Son passe-temps favori semblait être de semer la discorde entre les univers.

Des feux d’artifice se mirent à fuser de partout, par réflexe j’invoquais un bouclier de Brume translucide qui bloqua les projectiles lumineux.

« Non mais… Cet hurluberlu ne manque pas d’air ! Nous attaquer avec des feux d’artifices… » Ronchonnais-je tandis que les attaques cessèrent.

-J’crois que j’vais avoir besoin d’ton aide sur ce coup…

Je sentais de la magie vibrer dans l’air mais ne vis rien, pourtant les mains du présentateur semblaient paralysées. Je ne mis pas longtemps à comprendre et mon cerveau se mit tout de suite à réfléchir à une nouvelle stratégie.

Le sol trembla sous nos pieds, des morceaux entiers de sol furent aspirés vers le bas, tombant dans un néant infini. Il n’était plus temps de réfléchir, renforçant le bouclier autour de nous, je grimpais sur le dos de Lune et attrapai le bras de mon nouvel ami.

« Il est en train de détruire l’arène ! On doit faire vite ! » Criais-je à l’adresse de Tiago afin de recouvrir le bruit assourdissant des roches se brisant. Lune s’envola tout en esquivant les nombreux gravats qui tombaient devant nous, alors que mon bouclier absorbait toujours les feux d’artifices.

« AHAH AHAHAH Vous avez échouez ! Jamais vous ne repartirez ! Vous êtes d’un ennui Mortel… AHAHAH »

Les rires glauques du présentateur nous suivirent jusqu’au portail, sans réfléchir Lune le traversa, nous projetant dans un monde pour le moins étrange…

« TUUUT TUUUT » Quel était cet étrange engins roulant et bruyant ? Malheureusement je ne le saurais probablement jamais. Je me sentais tomber en arrière, une chute lente qui s’arrêta brusquement. J’avais traversé un nouveau portail. Seul signe de mon existence, une plume de jais tombant au sol.

Lorsque je rouvris les yeux, je ne vis que le plafond en bois de ma chambre. Quel étrange rêve, au moins Duralàs est toujours à moi. Me dis-je avant de me tourner pour me rendormir, mais une douleur cuisante me réveilla soudain. Une brûlure…