"Zaun. Grande ville à l'est. Population moyenne, comptant plusieurs milliers d'habitants. En voie de développement technologique et techmaturgique. Connue pour ses usines tournant jours et nuits, et pour ses laboratoires, qui éjectent toutes leurs ordures d'expériences aussi intéressantes qu'illégales.
Les égouts sont des bonnes poubelles.
Les rats de Zaun sont habitués à recevoir les restes des habitants, et au passage ceux des scientifiques. Niché dans les parties supérieurs des structures, ils sortent très peu en journée. Pour sûr, toutes les nuits, la ville au dessus d'eux se fait moins bruyante. Ils se servent de leur ouïe pour se repérer dans les galeries, évitant bien des ennuis et des obstacles sur leur route. Une petite patrouille suit le chemin quotidien pour aller se nourrir, et éventuellement voir si aucun danger n'est à alerter pour les autres. Ils parcourent un bon bout de chemin pour arriver vers les ordures, qui s'accumulent dans les recoins, se déversant petit à petit dans l'eau, poisseuse et polluée depuis longtemps. Mais ils ont l'habitude de piocher dedans de la nourriture... Cela ne vaut aucunement un mets appétissant, mais ils doivent nourrir tout un groupe de plusieurs milliers de rats et de rates. Alors ils goûtent, testent des nouveaux aliments. Ils mangent à leur faim sur place, et quelques rats vont chercher les autres. Organisés, prudents, mais ils partagent au plus grand nombre. Plus ils sont nombreux, mieux ils peuvent survivre dans l'environnement cruel de Zaun.
Mais un rat est resté à l'arrière avec les autres... Il mange encore, en haut d'un monticule d'ordures. Il se délecte d'un repas digne de celui d'un roi. Ses papilles gustatives découvrent de nouvelles sensations alimentaires encore jamais explorées. Il s'aventure prudemment, de saut en saut, évitant de dégringoler avec les détritus, vers une source lumineuse qui sort le bout de son nez. Une lueur verdâtre, à peine plus grande qu'un bout de fromage. Les couleurs, les rats n'en voient aucune, à part le vert, et c'est justement ce détail qui attire le jeune rat vers la source. Elle brille, intrigue, attire comme un appât captive son prédateur... Captivé, justement, il l'est. Son esprit animal ne se doute de rien : Aucun danger autour, l'odeur est habituelle à la nourriture quotidienne, donc mangeable et ses compères semblent calmes, mangeant plus bas dans les déchets. Il sera le premier à goûter... De cette chose verte étrange...
Il repère au flaire que qu'elle est essentiellement sous forme liquide, mais son ventre n'a pas encore eu sa portion suffisante. Son museau cherche donc du solide pour pouvoir se sustenter. Il grignote ce qui semble être du pain dur, qui a reçu de ce drôle de fluide. Frénétiquement, il continue de le ronger, puis s'intéresse enfin à goûter directement la substance.
Et là. Tout bascule.
Toutes sortes d'informations : La douleur en primo, puis du bruit, beaucoup de bruit. Il résonne, tambourine dans sa petite boîte crânienne. Éboulement d'objet, éclaboussement. Il tombe. Puis percute le sol. Des cris strident des autres rats lui parviennent aux oreilles. Étonnant, il est pourtant assourdis par tout ce bruit, beaucoup trop de bruit, qui l'agresse. En particulier son petit cœur, qui bat à une vitesse ahurissante. Il a mal. Il ne comprend pas. C'est la fin.
*
Lorsqu'il ouvre ses yeux, humant l'air, il saisit doucement qu'il a survécu. A quoi ? Un terrible prédateur, peut-être ? Bon... Au moins, il vit. C'est déjà ça. En se redressant, il se surprend devoir fournir beaucoup d'effort pour le faire... D'ailleurs, il voit les égouts sous un angle très différent. Petit à petit, toutes ces informations étranges arrivent dans son cerveau et il tente d'analyser, de comprendre... Pourquoi est-il grand ? Pourquoi l'eau est sous ses pieds et non en train de le noyer ? Pourquoi le rebord du couloir et à sa hauteur alors qu'il est habituellement un mur et un obstacle lorsque l'on tombe à l'eau ?
Tant de choses à comprendre. Et le plus étrange est de se remarquer être beaucoup, beaucoup... Vraiment beaucoup plus gros qu'un rat. En s'observant, l'animal remarque qu'il a acquis une taille humaine, étant la seule référence que son esprit possède. Son analyse se fait de mieux en mieux, et il s'étonne même de commencer à avoir une réflexion meilleur qu'avant... C'est bizarre. Comment. D'où. Il ne comprend pas.
Ses congénères se rapprochent de lui. Ils ne sont pas partis bien loin, juste de quoi se protéger des ordures qui sont tombées dans l'eau. Autour de lui, ils le fixent, venant le sentir. C'est toujours un rat, même odeur, même physionomie, il est juste plus grand. Le doute passe, et les rats reprennent leurs activités. Il est vivant, c'est bien pour lui, il est juste bien plus grand qu'avant. Cela ne les gêne pas dans leur mission...
Mais lui, il fait comment avec cette taille pour revenir au nid ?
Au début, il se déplace à quatre pattes, suivant ses frères et sœurs. Il dort plus bas, ne pouvant plus grimper dans les cachettes. Et au fur et à mesure que le temps passe, le rat mutant a commencé à avoir une réelle réflexion, à penser par lui-même. Il se surprend à observer son environnement d'un œil très différent, moins primitif. Et un jour, le bruit de la ville au dessus d'eux l'attire, comme une douce mélodie.
Pour la première fois, il sortit le nez dehors.
La ville, c'est comme les égouts, en plus grand et plus aéré. Mais les humains fourmillent dans les rues comme des rats qui le font dans les couloirs visqueux des sous-sols. Il ne sort pas complètement, se contentant de regarder... D'apprendre rien qu'en les regardant vivre. Évidemment, regarder, avec une vue si mauvaise, n'est pas facile... Alors, venue d'une réflexion poussée, il décide, une nuit, à sortir, passant par les canalisations d'égouts. Il découvre bien plus de choses aux touchés, à l'odeur et à l'ouïe. Il est proche d'un laboratoire, sans aucun doute l'endroit où est nait la substance étrange qu'il a mangé quelques mois plus tôt.
Il suit une piste, une odeur familière, entrant avec prudence dans ces lieux d'humains.
Comment expliquer tout ce qu'il découvre, et à la fois tout ce qu'il est nouveau pour lui autant dans ses sensations que dans sa découverte. C'est comme si vous laissiez un enfant, qui apprend les émotions, qui apprend à découvrir le monde qui l'entoure. Ce petit rat, devenu aussi grand qu'un humain, ne connait rien. Aujourd'hui, il sait bien plus de choses.
Toutefois... Il voit aussi des choses horribles qui se passent dans ce laboratoire... Et il revoit à nouveau cette substance fluorescente verte... Et là, à nouveau, tout bascule.
Des humains l'ont découvert. Panique. Frénésie, colère vive, il sort les crocs, les griffes, il lacère et mord. Il tue, il le sait, car le sang devient une marre sur les sols gris (sans doute blancs pour nous). Le rat se redresse, chose nouvelle encore, tenant sur deux pattes. Les zaunites qui survivent à cette rencontre témoignent avoir vue un rat géant, psychopathe, qui craché des mots, au départ incompréhensibles. Le rat lui-même se surprend à parler pendant sa folie. Il l'appelle comme ça. Il ne sait pas encore comment reconnaître la colère, mêlée à la panique, tout ça se mélangeant à son instinct de survis. Il crache aux humains : "Personne... Personne ne vole la boisson de Twitch. PERSONNE"
Twitch ? C'est quoi... ? Ce sera son nom, alors."
*
Quoi ?! Que se passe-t-il ?! Où ... ? Où suis-je ?
Oh.
A la Ligue. Je suis... A l'Institut de Guerre. Je vois, c'est encore ce rêve que je fais depuis la mutation... Celle qui a changé ma vie. Soit...
Suite à cet incident, les zautines ne cessent d'entendre parler de moi, le rat géant, qui fait des apparitions furtives, souvent les nuits, proches des bouches d'égouts de la ville. On me sait pilleur, meurtrier, un mutant qui amasse des tonnes d'ordures, attaquant même les nettoyeurs pour accaparer toutes ces choses. Tout le monde sait que je suis là, mais personne ne me cherche pour m'arrêter, ou me mettre hors d'état de nuire.
J'ai "mûri", avec le temps, allons dire. J'ai développé une intelligence, et j'ai appris très vite. J'apprends à mieux parler, à lire même, puis au bout d'un moment je me suis senti capable de parler avec d'autres habitants de Valoran : des humains, des yordles, et des monstres comme moi. Cela me fait me sentir moins seuls de voir que d'autres créatures foulent ces terres. Lorsque je n'ai pas mes instants de folie, j'entre dans une créativité étonnante, fabricant des tas de petites choses. Au départ c'était laborieux, surtout que je dois souvent me débrouiller avec de maigres produits. Puis arrive une de mes meilleurs inventions, celle qui est posée à côté de moi, ma fidèle arbalète automatique. La meilleur invention, au passage, et la seule qui soit utilisable, pour le moment.
Chaque jour, je m'étonne à être encore en vie. Un rat ne vit pourtant pas longtemps... Mais j'ai passé de longues années à arpenter le sol de cette Institut, en tant que premier membre de ma race et originaire de Zaun. Je n'ai pas cessé de chercher le moyen de reproduire le processus pour que mes confrères puissent accéder à l'intelligence. Je sais que c'est possible et je trouverais, même si je dois me tuer à la tâche. Mais cette folie... Celle qui me suit depuis ma mutation. Elle me colle, elle est encrée dans mon âme comme le poison qui ronge et détruit chaque cellule... Elle me rend fou, et je n'arrive pas à la contrôler... En tout cas, pas toujours.
Quel drôle de matinée... J'ai comme la sensation qu'il va se passer quelque chose de-
« NON A LA LIGUE ! REJOIGNEZ LE MOUVEMENT ! »
Bordel d'un petit fromage pourrit par les verts gluants de Zaun !?
J'ai eu si peur... C'était quoi ça ?
Non à la Ligue... Pourquoi ? Que se passe t-il ? Je sors en trottinant sur mes deux pattes, arbalète à la main. Je découvre un bazar monstre, des rumeurs dans tous les sens. Des intrigues, encore et toujours, à croire que les humains adorent se prendre la tête sur des structures qui existent depuis un moment... Je reste écarter de ces conflits qui durent, voilà de ça un mois, et que les dirigeants de la Ligue n'ont toujours pas réussi à apaiser. Un mois que je ne me suis pas battu sur les Champs de Justice, profitant du désordre pour vaquer à mes expériences, lorsque j'ai encore toute ma tête pour faire ça. Tirer sur des gens, j'avoue qu'ça me manque, mais à peine. Juste à peine... Consolons nous avec du fromage, et continuons les tests chimiques.
Dans l'après-midi, on toque à ma porte. Je crois que la personne qui va passer le pallier va m'entendre grincer... bruit relativement inhabituel chez un rat, je suis d'accord avec vous...
C'est non pas un mais plusieurs Invocateurs qui entrent. Ils me regardent, neutre, mais je ne suis pas du tout rassuré par leur présence. Que me veulent-ils ? La réponse ne tarde pas lorsque l'un d'eux commence à détruire quelques fioles posées à sa gauche. Ils veulent QUOI ? Que... Je cesses mes recherches ?! Que... Comment ?
Les rumeurs ont gonflé, en particulier sur la disparition de certains Champions des Champs de Justice, dont leurs raisons restent encore obscure. Les gens grondent, ils veulent savoir, persuadés au passage que la Ligue cache plus de choses qu'on le pense...
D'accord, je fais partie des choses cachées au sein de L'Institut de Guerre. Mes expériences ne sont pas du tout légale, mais j'ai, à l'époque, reçu l'autorisation de la part du Haut Conseil, sans aucun doute grandement influencé par Zaun.
Et là, maintenant, je n'ai plus aucun droit d'exercer ma pratique ici ?! Pire encore, ils cherchent même à tout détruire le travail de plusieurs années...
C'est mal me connaître, bande de chiens !
La folie. Elle revient toujours mais dans des moments délicats, comme celui-ci. Prête à me soutenir. J'en dégage deux, le troisième est assommé. Je reçois un sortilège qui me brûle les poils. Je réussis à m'enfuir en emportant des notes et quelques petites choses qui me permettront de continuer mes travaux. Prendre la fuite grâce aux produits qui améliorent mes mutagènes n'est pas très compliqué... Encore une fois, je suis considéré comme un fugitif, mais au fond j'ai l'habitude de ça.
Ces humains et leurs foutus intriguent ne me laisseront jamais tranquille. Fous ! Vous regretterez vos actes. Je quitte l'Institut de la Guerre, ne laissant pas un regard derrière moi...
Je ne suis pas sûr de pouvoir revenir un jour. Seul l'avenir me le dira, pourvu que je vive assez longtemps pour le voir.