J'eus assassiné mon frère il y a de cela quelques jours désormais. Les affaires de notre famille continuèrent malgré tout. Il y eut évidemment un deuil auquel j'eus participé la veille. Ce jour-ci, j’afférai à ranger les papiers qui traînaient sur son bureau. Ma petite-nièce avait repris les rênes après que je lui ai incité à le faire. Je savais qu'elle était qualifiée, et cela me laisserait le champ libre pour continuer mes activités sans être espionnée ou accusée à tord de probable trahison.
« Camille Ferros... Défenseur de la famille Ferros... »Une voix presque d'outre-tombe parvint à mes oreilles, elle était même en écho. Je me retournai vivement, j'ouvris la porte à quelques mètres de moi rapidement mais personne n'était là et aucun signe de passage. Je plissai les yeux. Je haussai les épaules et vaquai à mes occupations.
Le bureau était finalement rangé. Je l'occuperai temporairement, le temps de consulter ses dossiers malgré que j'avais une petite idée précise.
Une semaine passa, j'avais tout enregistré quant à ses dossiers. Avais-je, ne serait-ce qu'une seconde, un quelconque regret ? Absolument pas. Il était un danger pour lui-même et surtout pour la famille. Des faits et gestes de sa part étaient impardonnables. Je ne disais pas non plus qu'il le méritait, mais ses actes le condamnèrent.
« Viens dans la forêt proche... Holdrum... »Je tailladai immédiatement derrière moi de manière nette mais rien. Personne. La voix semblable d'il y avait une semaine était plus proche de mon oreille. La forêt d'Holdrum ? Une forêt explorée et connue pour ses animaux protégés. Elle connut néanmoins un passé sombre et magique mais rien d'alarmant à ce jour.
J'allai voir ma nièce quelques jours après. J'eus toqué et rentrai tout de suite.
« Ma tante ? »
« Cessons ces formules de politesse. M'espionnes-tu ? »Elle clignota des yeux en ayant l'air réellement surprise.
« Je ne comprends pas... »
« Aurais-tu osé m'implanter quelque chose ou engagé une quelconque personne compétente pour me susurrer des paroles dénuées de sens ? »
« Mais enfin ma tante, pourquoi donc ferais-je ça ?! »Elle s'énerva, non pas car j'avais découvert mais parce-qu'elle ne comprenait pas.
« Excellent. Tu es digne de ton statut. Oublie cette conversation et vaquons à nos activités habituelles. Nous nous reverrons au besoin. »Elle hocha la tête en montrant un énième signe de surprise. Je sortis, fermai la porte.
« Holdrum... »Je serrai les poings. Les coïncidences étaient trop grandes mais ce n'était pas elle. Je connaissais parfaitement les signes de quelqu'un qui mentait, même le meilleur des menteurs avait un tic qui le trahirait. Qu'était-ce alors ?
Je fis de nouvelles recherches sur cette forêt mais rien ne s'était passé depuis des décennies. Pourquoi me murmurait-on cet endroit ? Cela recommença encore et encore, sans arrêt, de plus en plus fréquemment.
Je décidai d'y aller. Je n'avais vraisemblablement guère le choix. Et je procéderai à la vérification des dires par ma propre personne sur place.
J'en informai ma petite-nièce d'un départ personnel, celle-ci hocha la tête. Elle avait assurément oublié notre conversation comme si elle n'avait jamais eue lieu et c'était ce que je voulais.
Je fis un voyage de quelques jours, étonnamment les voix se rapprochaient à mesure que je m'avançai tout en ayant un laps plus grand qu'avant.
Finalement, je pénétrai dans la forêt d'Holdrum où mes yeux scrutèrent n'importe quel signe d'un possible guet-apens. Mais rien. Je continuai ma marche erratique au sein de la végétation.
À première vue, la forêt était riche et feuillue, les fleurs y étaient magnifiques et colorées. Je m'enfonçai davantage, le paysage changeait progressivement. Les arbres étaient moins épais, moins feuillus, moins vivants. La terre par endroit était nue, les animaux se faisaient déjà de moins en moins bruyants et rares. D'après mes pas, et le temps écoulé depuis mon entrée dans Holdrum, je devais me rapprocher du milieu. Et quand j'étais sûre, la terre était finalement creusée et morte, des cadavres d'animaux jonchaient ici et là, les arbres étaient soit minces, soit malades, soit brisés, soit à terre.
Je m'arrêtai petit à petit et observai les lieux alentours. Aucune trace récente de personne. Seulement une brume épaisse et poussiéreuse me caressait. M'aurait-on menti ?
Je détectai rapidement une source sombre et y allai par de grandes enjambées. Je regardai l'anomalie obscure qui s'était arrêtée et cette dernière se divisa en douze orbes qui se mirent autour de moi. Je plissai les yeux en les regardant. Je ne fis aucun geste, ne voyant aucunement signe d'agression.
« Camille Ferros, vous êtes finalement venue. »Les voix n'avaient pas de sexe. Elles restaient néanmoins sèches, et venaient véritablement d'outre-tombe.
« Vous avez répondu à l'appel. »
« En quoi attendiez-vous mon arrivée ? »
« Vous êtes qualifiée pour être une de nos descendantes. »
« Mais enfin de quoi parlez-vous ? »
« Vous êtes liée à nous. Vous avez tué et en conséquence, vous vous êtes sortie de bien des personnes. »
« J'ai certainement tué bien plus que des tueurs nés. En quoi me suis-je sortie des autres ? »
« Vous avez assassiné quelqu'un de votre sang. »Je plissai à peine plus les yeux, agacée.
« En quoi cela vous a appelés ? »
« À partir du moment où vous êtes prête à tout pour réussir, nous apparaissons. Devenez des nôtres. Retrouvez votre place. »
« Jamais. Maintenant, veuillez me laisser. »Je fis un pas mais les orbes firent une cage sombre autour de moi. Je donnai un coup sec avec mes lames mais elle ne céda pas. Je continuai plusieurs fois, je tentai de lancer mes grappins mais ces derniers se firent parer et tombèrent au sol, ils me revinrent sous un son rotorique.
« Vous êtes parfaite. Vous serez le Bélier ébène. »
« Qu- ? »Un sceau violet et noir apparut sous moi et les orbes incantèrent dans une langue ancienne, que je ne connaissais guère et des faisceaux électriques sombres en sortirent pour me recouvrir, je retins des cris et les choses surnaturelles me mirent à genoux et me recouvrirent totalement. Je tentai de me débattre mais rien à faire, leur force était nettement au-dessus de moi. La douleur m'envahit, à plusieurs reprises, de plus en plus fort, cela ne cessa pas. Des minutes passèrent. Je lâchai de durs cris à travers mes dents. Je ne voulais pas me faire avoir, me laisser me soumettre. Quelque chose me traversait. Une force incommensurable se propageait dans mon corps et je me sentis me relever. La puissance continua de remuer avant que la substance noirâtre me lâchât et disparût dans le sceau. Je regardai mes mains désormais noires. J'avais un regard orangé, renforcé par un maquillage léger, fin mais sombre des cornes en colimaçon, mes cuisses étaient désormais des installations magiques d'où sortaient des grappins violâtres. Mes lames étaient toujours aussi aiguisées mais plus fines. J'avais une robe courte rouge sang et noire. Des épaulières, cuissardes et genoux à peine plus épais et aux formes pointues. Tout était dans des couleurs assombries.
« Qui étiez-vous ? »
« Camille Ferros, fière défenseur de la famille Ferros. »
« Désormais ? »
« Le Bélier Ébène. Membre de l'Assemblée. »
« Parfait. Bienvenue parmi nous. Accompagnée du Cerf Ivoire, pour le moment, vous répandrez notre gloire d'antan. Vous réunirez vos semblables oubliés et plongerez le monde sous notre contrôle. Éliminez nos ennemis némésis de toujours. »Je hochai la tête.
...
Ma première chasse consistait à tuer un piètre guerrier. Il entendit un bruit dans les feuillages, apeuré, il tenta de fuir mais je fus déjà devant lui. Je l'empalai vivement au sol dans la poitrine de ma jambe gauche, il mourut sur le coup. Ma jambe droite atterrissant dans la mince flaque d'eau. Son épée s'empalant à côté de lui. Je tenais mes grappins violets sombres. Un corbeau aux yeux de la même couleur s'installa à côté de moi, sur un rocher. Ils me surveillèrent. Mais je n'allais pas les trahir.
L'assemblée triomphera.
Accueil
Mar 21 Jan - 23:25