Candidat : Xin Zhao
Date : 13 Juillet, 20 CLE
OBSERVATIONQuoiqu'il fût réservé, Xin Zhao se fit remarquer quand il entra dans le grand hall. Une expression de détermination stoïque imprégnait son visage, aussi marqué que les plaques polies de son armure de Demacia. Sa houppe caractéristique ondulait derrière lui et des reflets brillaient à chaque frémissement des torchères. Dans une main, il portait une sorte de bélier enrichi d'une lame qui aurait pu passer pour une lance de géant. Il feignit d'avoir du mal à en supporter le poids, une ruse qui conduisait à une issue fatale les observateurs sans cervelle.
Son regard ne dévia jamais des portes ouvragées de la Chambre des réflexions, et pourtant il avait analysé chaque détail du hall, des épaulettes à pointes décorant la statue de Thurmit aux fissures courant sur le mur nord. Il avança vers les portes avec une souplesse qui n'aurait pas changé même s'il avait été jusqu'à la taille dans du goudron, et il marqua une pause pour examiner l'inscription au-dessus de lui.
C'est en soi qu'est l'adversaire véritable.Une pression, et les portes de marbre s'ouvrirent. Derrière elles, des ténèbres s'étendaient, plus inquiétantes au fur et à mesure que les portes s'écartaient. Cette pénombre, qui était l'essence même des ténèbres, absorbait la lumière et diffusait des cataractes d'ombres négatives dans les moindres recoins. Nullement impressionné, Xin Zhao s'avança dans le noir d'encre.
RÉFLEXIONL'absence de lumière ne gênait guère Xin Zhao : ce n'était pas le premier combat dans lequel il était privé de la vue. Il toucha son front, les doigts suivant le sillon d'une cicatrice laissée par le rebord d'un bouclier de Demacia, il se souvint nettement de la sensation du sang coulant dans ses yeux. La blessure était un souvenir offert par un homme qu'on appelait à Nexus le Rongeur d'os.
Un drôle de nom, à vrai dire. Ils auraient dû l'appeler le Couineur.Un trou dans la dentition du Couineur créait un sifflement à chaque expiration, et cela tournait au ridicule quand il était essoufflé. Xin Zhao s'était rapidement débarrassé du Couineur à l'époque, mais, trop sûr de lui, il n'avait pas esquivé son ultime coup de bouclier. Il avait encore en tête le furieux cri de guerre du Couineur (mêlé à cet absurde sifflement) au milieu des rugissements de la foule sanguinaire qui assistait à l'Hécatombe. La puanteur familière de l'arène lui revenait en mémoire, ce parfum de bile s'égouttant des adversaires démembrés. Il se souvenait des yeux du Couineur, pleins de rage à travers la fente de son casque, tandis qu'il feignait de jouer de l'épée pour mieux frapper du bouclier. En fait, il pouvait soudain vraiment le voir.
C'était une sensation étrange, de voir ainsi un souvenir se manifester brusquement dans la réalité. Xin Zhao eut à peine le temps de se baisser tandis que le bouclier effleurait toute la longueur de son catogan. Il recula à l'instinct, tombant sans grâce sur le flanc, évitant de justesse le coup déchaîné du Couineur. Sa main droite se crispa, à la recherche de sa lance, mais se referma sur du vide. Comment avait-il été désarmé ? La foule en délire réclamait un carnage. Xin Zhao jeta un coup d'œil, remarquant des visages comme ressurgis d'une vie antérieure. Voulant profiter de la confusion de son adversaire, le Couineur fonça, cachant la botte fatale de son épée derrière son bouclier. Assis dans le sable, Xin Zhao était pris par surprise ; trop tard pour esquiver, trop tard pour penser.
La lame du Couineur mordit la chair entre les yeux de Xin Zhao, la pointe appuyant sur le crâne. Dans un immense effort de concentration, Xin Zhao parvint à voir la base de la lame, autour de laquelle sa main gauche, couverte de sang, était solidement fermée. Il eut presque un gloussement. Tandis que son esprit se dispersait, cherchant une réponse sensée aux événements, son corps, toujours vigilant, l'avait sauvé.
D'un seul mouvement, Xin Zhao se redressa, et d'un geste puissant de la main droite brisa la lame. Il détecta un mouvement de surprise. Sa main gauche, toujours agrippé à la lame brisée, trouva la trajectoire de la fente dans le casque du Couineur. Il perçut d'abord un son mat et comme spongieux, puis les acclamations de la foule.
Au grand désarroi de Xin Zhao, le Couineur ne s'effondra pas comme il l'avait prévu, mais il s'assit calmement. Xin Zhao reprit une posture défensive, mais le Couineur enleva l'écharde de son œil et ôta son casque. Xin Zhao tomba à genoux aussitôt, reconnaissant le visage de son mentor, le roi Jarvan II de Demacia. Jarvan sourit, amusé par le désarroi de Xin Zhao.
« Pourquoi veux-tu rejoindre la Ligue, Xin Zhao ? » Le sifflement avait disparu.
Xin Zhao répondit d'une voix tremblante : « Mais quelle diablerie est-ce là ? »
« Réponds à la question. »
« Je représente Demacia… et son… vrai roi. » Au fond de lui, Xin Zhao savait qu'il ne s'agissait que d'un cruel mirage, mais son cœur l'emportait sur la raison.
« Pour battre l'ennemi de toujours, Noxus ? »
« Pour servir les intérêts de Demacia. »
Un court silence. « Quelle impression cela fait-il d'exposer ainsi ton esprit ? » L'œil mutilé était fixé sur Xin Zhao, comme pour étudier sa réponse.
Horrible jusqu'à l'indicible. « Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais. »
« Horrible jusqu'à l'indicible ? Vraiment ? » Jarvan montra d'un geste les carcasses autour d'eux. « As-tu vécu une existence telle que tu puisses ainsi l'affirmer ? »
« Je suis fatigué de tout ceci. Ai-je réussi cette épreuve ? » Xin Zhao était las de ce jeu, las d'être ainsi vulnérable.
« Nous en avons fini avec toi, Xin Zhao, mais tu comprendras bientôt que la véritable épreuve n'a pas encore commencé. »
L'arène et le visage grimaçant de Jarvan disparurent dans un nuage de fumée noire. Xin Zhao se retrouva dans une antichambre minuscule, face à un long couloir qui menait sans le moindre doute à la Ligue. Derrière lui, les portes de marbre ouvragées s'ouvrirent doucement, offrant la possibilité d'une retraite.
Il souhaita reculer. Il voulut faire demi-tour et partir, ne plus jamais porter le regard sur cet endroit. Au lieu de quoi, il entendit la voix de Jarvan dans sa tête. Cette fois, il savait que ce n'était pas une illusion.
« Ce monde a besoin d'hommes de courage capables d'affronter ce qui sinon nous écraserait tous. Ton cœur appartient à Demacia, Xin Zhao. Aie confiance dans ta force, et tu ne succomberas jamais. »
Xin Zhao se redressa de toute sa taille et entra dans la Ligue des Légendes.