Hecarim - Shadow of War.

Il domine les hommes par sa hauteur, parfaite association du cavalier et de la monture. Tout en lui appartient à l'obscurité et à la mort, jusqu'à son âme maudite que l'on peut attraper furtivement parfois dans ses yeux sans prunelles. Il n'a d'humain que la moitié du corps, en mémoire de son passé glorieux. Esprit de la guerre, il porte l'armure noire et la lance, comme une faux. Il galope dans les plaines comme le dernier souffle d'un mort. L'on entend ses lourds sabots tambouriner le sol annonçant un sombre présage. Tout de puissance et de colère, craignez son courroux. Il était né pour commander, mort en traître et il renaquit pour gouverner les batailles. Seigneur de guerre, il n'existe que pour tuer.

Il charge dans la nuit, traverse la brume. Il vous écrase de tout son poids, maudit soit-il. Il fauche les vies des mortels, ne craignant plus la vie et la mort. Il porte l'étendard du malheur, et se nourrit de vos peurs. Et sous l'armure, il n'y a plus de cœur. Il n'y en a jamais eu. Il n'est plus qu'effluve spiritique, la chair de ses membres et de ses flancs est aussi froide que celle d'un cadavre. Ne vous méprenez pas, il n'appartient pas à votre monde. Il est de ceux qui sont revenus, et il est aux îles obscures le plus fidèle soldat, épris par le sang et la guerre. Ses lourds sabots s'abattant sur vos enfants, sa faux traversant votre âme sœur, voilà les dernières images qu'il laissera dans votre vie, avant de vous l'arracher sans un remord. Il sème terreur et destruction, sa charge est mortelle et sa venue est pareil à celle d'un corbeau.

Il vit dans la brume et dans l'ombre. Fuyez la brume et l'ombre.

Gloire au porteur d'étendard. Gloire à l'ombre de la guerre. Gloire à l'ordre de fer.

Hecarim n'existe que pour ôter la vie des mortels. Épris de l'excitation de tuer, de pourfendre et d'écraser, il est un fier combattant sauvage et sanguinaire. Sans cœur, sans scrupule, il n'a rien d'humain à présent. La seule chose que vous pouvez considérer comme de l'affection venant de lui, à vos risques et périls, est le fait qu'il vous ignorera, ce qui est déjà très bien si vous êtes un simple mortel. Spectre maudit, il est aussi froid que les plaines glacées de Freljord. Fiez vous à lui pour son expérience de combattant, mais gardez à l'esprit qu'il ne pensera qu'à lui.
Il ne considère vraiment comme alliées que quelques autres âmes des Iles Obscures. Pour le reste, ce n'est que de la vermine.

L'ombre de la guerre serait capable de traîtrise, pour obtenir du pouvoir. Que son nom résonne dans le monde, que les mortels tremblent à son évocation, voici ce qu'il considère comme sa gloire. Glorieuse fut sa vie autrefois, glorieuse sera sa domination sur les vivants aujourd'hui.

Mais ne vous méprenez pas sur lui. Il a beau aimer le plaisir tribal de tuer, la violence des batailles et des duels, de semer discorde et destruction, il n'est pas dépourvu d'intelligence. Hecarim est un opportuniste. Offrez lui le don du sang et le droit de tuer en votre nom, mais gardez-le à l’œil car il pourrait bien se retourner contre vous. Il n'est plus le fidèle pion des rois, il est le commandant de son propre destin à présent, aussi maudit et sombre soit-il. Il est libre et indépendant, il est le seul meneur de sa garde, son armée. Il choisit, pour lui-même. Il ne craint rien ni personne.

Que craindrait un immortel ?

D’aussi longtemps qu’il s’en souvenait, il n’avait jamais ressenti d’autre chaleur que celle procurée par le plaisir de tuer. Il ne s’était jamais senti aussi vivant que lorsqu’il abattait sa faux sur les gorges mortelles. Il ne s’était jamais senti aussi vivant que lorsqu’il se nourrissait de leurs vies, à tous. Tous ceux qui avaient succombé à son égoïsme, à son plaisir personnel, sa lubie d’un jour qui était devenue le lourd poids accroché à sa jambe, comme pour qu’il n’oublie jamais l’humanité qu’il avait perdue pour l’éternité. Comme pour qu’il n’oublie jamais le prix qu’il avait payé, pour l’éternité.

Et l’éternité était longue, lorsqu’il marchait, là dans la plaine, glissant sur les herbes folles qui se fanaient à son passage, courbant l’échine de peur de mourir, elles aussi. L’éternité était longue, sans cœur et sans chaleur. Il n’avait jamais connu que la satisfaction de la victoire pour gainer son estime personnelle. Il n’avait jamais touché à l’amour, à l’amitié, à la chair et aux rapports sensuels. Il n’avait jamais pris attention à ce qu’il mangeait, et ce qu’il buvait. De tout temps, il avait toujours été obnubilé par la gloire d’entendre résonner son nom, victorieux, en écho dans le monde entier.

Maintenant il était trop tard. Il n’était plus humain. Il n’était plus vivant. Il était une ombre parmi les ombres, chassant sa propre existence dans la violence et la destruction. Chassant ses propres démons, nombreux et monstrueux, dans ce qu’on lui avait appris et ce qu’on lui avait toujours demandé de faire : tuer. Assassiner. Ecraser. Déchiqueter. Démembrer. Jamais il ne connaîtrait la chaleur des bras d’une bien-aimée, la douceur de la voix des enfants. Jamais il ne s’extasierait devant le vol fragile et délicat d’un papillon aux couleurs chatoyantes. Jamais il ne dégusterait le goût savoureux du plus rare met de Runeterra, ni ne sentirait plus la brûlure de l’alcool dans sa gorge. Il n’avait eu d’amour que dans les larmes et le sang. A présent, il chassait une chimère qui n’existait plus. Plus il tuait, et moins il était satisfait. Plus il tuait, et plus il en mourrait. Mais il fallait tuer encore. Et tuer encore. C’était le seul plaisir qu’il possédait à présent. Le seul chemin de son existence, fragile et dépossédée de tout sens.

Il tuait pour se rappeler. Il tuait pour se souvenir, qu’il fut vivant autrefois. Et telle était sa malédiction. Condamné à ne plus ressentir, mais à se remémorer chaque instant perdu. Son palais des mémoires étaient vides de couleurs. Son palais âpre et son odorat noyés dans le fer et le poison, mélange du sang des cadavres qu’il laissait dans son sillage, avaient perdu toute trace d’artifice. Tout était devenu si las. Tout était devenu si gris et si insensé. Il avait vécu dans un monde dont il n’avait pas su voir la beauté, et le voici prisonnier d’une dimension qui ne lui apportait que poussière, vague palpitation d’un cœur absent dans sa poitrine.
Et plus il tuait, et plus il se perdait.

En avait-il seulement conscience ?
Aveuglé par les mains de velours noir de son existence maudite, il galopait vers sa propre destruction et disparition. A chaque coup de faux, c’était un pas de plus vers la décadence. Sa folie n’avait aucune limite. Tuait-il pour se sentir vivant ? Tuait-il parce qu’il était en colère, toujours en colère, contre le monde ? Tuait-il pour la gloire et la satisfaction que lui procuraient les cris de terreur et les spasmes d’horreur à l’évocation de son nom ? Tuait-il, parce que c’était tout ce qu’il lui restait ?
L’éternité était longue. L’éternité était longue, quand on marchait sans cœur.

Sur les champs de ruines d’un village de pêcheurs, l’armure ruisselante du sang de mortels, son imposante silhouette se dessinait dans la fumée des décombres. Immobile au milieu des cadavres qui n’avaient plus rien d’humain, il reprenait un souffle qu’il avait perdu depuis longtemps. Ce fut en compagnie de sa plus grande amie qu’il disparut dans le silence morose et l’odeur putréfiée des corps sans vie. La brume le prit, et il s’y abandonna, laissant pour seul témoignage de son passage un paysage d’hécatombe.